Piège à loup (43 x 13 cm) en position fermée
Le loup en Bretagne
Le loup est de retour en Bretagne, il a été reconnu en 2022 sur la commune de Berrien (Finistère)
La toponymie elle-même est un témoin de la présence du loup en haute et basse Bretagne : Creach-Bleiz (promontoire du loup), Pont-ar-Bleiz (le pont du loup), Ty-Bleiz (maison du loup) et les appellations françaises sont tout aussi nombreuses : le Bois-du-Loup (56), la Fosse-au-Loup(35)… à La Gacilly : “la vallée du four au loup“ appellation d’une parcelle du plan cadastral de 1824. Ainsi cette nomination des lieux enregistre bien l’impact de la confrontation du loup et de l’homme, aux travers les âges.
La dangereuse présence d’un nombre très important de loups a toujours été une préoccupation des gouvernements. Charlemagne a ainsi créé le corps des louvetiers armés et affectés à la chasse du loup, corps qui perdure jusqu’à nos jours et qui s’est adapté. En 1467, l’administration est dirigée par un Grand Louvetier assisté d'officiers et de chasseurs spécialisés, exemptés des devoirs militaires par l’État. Ils sont rétribués par les communautés rurales ou les seigneurs pour chaque loup tué lors de battues ou capturé par des pièges. L’institution disparait en 1787, puis est rétablie en 1804 par Napoléon Ier.
Au 16e, 17e et début 18e les loups sont nombreux. Leurs attaques fréquentes causent des pertes économiques importantes aux communautés rurales qui dépendaient de l'élevage. Ces attaques mettaient aussi en danger la vie personnes qui vivaient en campagne, en particulier celle des enfants qui, entre cinq et quinze ans, gardaient du bétail, vaches, moutons… (cf. légende de saint Jugon).
Le loup est un animal d’un naturel craintif mais pour diverses raisons il se transforme en un redoutable prédateur pour l’homme : rage, recherche de proies faciles (enfants..), charognard ayant gouté de la chair humaine sur les champs de bataille.
Au Moyen Âge, l'impact culturel de la présence du loup ne peut être négligé. Le loup est souvent perçu comme une créature maléfique, associée à des superstitions et des croyances populaires. Dans de nombreuses histoires et légendes, le loup est représenté comme un symbole de danger, de férocité et de sauvagerie.
En Bretagne, le dernier loup fut tué en 1884 dans le Finistère. Entre 1843 et 1849 dans les communes des arrondissements de Redon et de Montfort ont été tués 55 loups, 41 louves et 62 louveteaux. Dans la campagne gacilienne entre 1845 et 1854, ont été tués 2 loups, 2 louves et 6 louveteaux.
Ces informations découlent des certificats officiels établis par les municipalités en application de la loi du 3 août 1882 ; cette loi instaure des primes d'abattage importantes en vue d’éradiquer le loup en France. La population de loups décroit en effet, le nombre des loups tués en 14 ans passe de 1376 à 171.
Pour toucher sa prime, le chasseur doit faire constater par l’agent municipal de sa commune le décès de la bête par la présentation du cadavre.
Voici quelques documents rédigés par le maire Mathurin Robert :
1845
“Nous maire de La Gacilly certifions que ce jour 14 novembre 1845 Monsieur de Naré a tué dans la forêt de La Gacilly, Domaine privé du Roi, en cette commune, un loup mâle, sous poil gris et d’âge d’environ 4 ans, animal que nous avons reconnu tel par le fait d’avoir été présenté et soumis de suite à notre propre examen et auquel nous avons coupé les deux oreilles et la patte antérieure droite que nous avons fait enfouir en terre en notre présence.
Fait en double expédition en mairie à La Gacilly le 14 septembre 1845.
Le maire Robert“
1846
“Nous maire de La Gacilly arrondissement de Vannes département du Morbihan certifions que ce jour 25 septembre 1846 M. le Vicomte de Foucher Auguste, demeurant au château de La Forêt Neuve, commune de Glénac et monsieur de Tournemine Jean-Marie, demeurant à La Touche-Peschart commune de Carentoir, ont tué dans la forêt de La Gacilly dépendant du Domaine privé du Roi en notre commune, trois louveteaux dont deux mâles et une femelle, tous sous poil roux et de l’âge d’environ neuf mois, animaux que nous avons reconnus tels pour avoir été présentés et soumis de suite à notre propre examen et à chacun desquels nous avons fait couper les deux oreilles et la patte droite antérieure qui ont été immédiatement enfouies en notre présence.
1849
“Le 2 septembre 1849 M. de Foucher a présenté une louve non pleine sous poil gris et de l’âge d’environ un an.“
1853
“le 30 avril 1853 trois louveteaux de quinze jours présentés par M. Dergas Florentin (deux femelles et un mâle).“
1854
“Nous, maire de La Gacilly, arrondissement de Vannes département du Morbihan, certifions que ce jour 28 janvier 1854 M. le Vicomte de Foucher Auguste, demeurant au château de La Forêt Neuve, commune de Glénac, a tué dans la forêt de Mabio en notre commune, un loup mâle sous poil roux et de l’âge de deux ans au moins (six), animal que nous avons reconnu tel pour avoir été présenté et soumis de suite à notre propre examen et auquel nous avons fait couper les deux oreilles et la patte droite antérieure qui ont été immédiatement
enfouies en notre présence.“ Fait en double expédition en mairie à La Gacilly le 28 janvier 1854.
État de destruction de nuisibles (le loup)
Année | Arrondissement | Commune | Loup | Louve | Louveteau |
1843 | Redon | Redon, Chanteloup, Pipriac, St-Ganton, Bain-de-Bretagne, Messac | 11 | 3 | 7 |
1844 | Redon | Redon, Chanteloup, Pipriac, Lieuron, St-Ganton, Bain-de-Bretagne, Ercé en La Mée, Messac, Pancé | 9 | 6 | 5 |
1846 | Redon | Ercé en La Mée, Goven, Messac, La Gouyère | 2 | 3 | 8 |
1849 | Redon | Ercé en La Mée, Goven, Lieuron St-Malo, Sixt, Bains | 5 | 7 | 8 |
1850 | Redon | Bain-de-Bretagne, Bains, Grand-Fougerzy, St-Ganton, St-Just, St-Sulpice des Landes, Sixt | 7 | 5 | 9 |
1851 | Redon | Bain-de-Bretagne, Bains, Ercé en La Mée, Guignen, Guipry, St-Malo de Phily, St-Sulpice des Landes, Sixt | 9 | 3 | 17 |
1843 | Montfort | Paimpont, Gaël | 1 | 2 | 2 |
1844 | Montfort | Paimpont, St-Péran, Gaël | 3 | 3 | |
1845 | Montfort | St-Péran, Paimpont | 4 | 2 | |
1846 | Montfort | Communes non précisées | 4 | 6 | 6 |
1849 | Montfort | Paimpont | 1 | ||
55 | 41 | 62 |
Les modes de chasse étaient le piégeage et la chasse à courre.
Ainsi à Glénac, en 1855, Auguste de Foucher de Careil fonde le rallye de la Forêt neuve. Il est le maître d’un équipage de trente chiens “Poitevins“. La race est reconnue au milieu du 19e siècle pour avoir été fortement utilisée pour la chasse à courre du loup. En 1889, Robert de Foucher, son fils, transforme l'équipage en une meute de bâtards anglo-saintongeois pour le sanglier. “En 1920, l'équipage, remonté après-guerre, avec des chiens de même race, chasse le lièvre et le renard et est servi par un homme monté. Ces chiens seront la base du Rallye Bretagne“.
En résumé, jusqu’au début du 18e siècle, le loup est un prédateur redoutable entraînant des pertes matérielles et créant un climat de peur parmi les populations locales. Les mesures prises pour lutter contre les loups étaient violentes et reflétaient les perceptions négatives qui lui étaient associées
Ref : « Le Loup en Bretagne pendant cent ans, 1773-1872, d'après les documents inédits » Durand-Vaugaron.
“L’homme contre le loup : une guerre de deux mille ans“ Jean-Marc Moriceau, Paris, Fayard, 2011, 479 p.
Ch. Le Quellec
La meute de chiens “poitevins“ et peut-être Robert de Foucher devant le château de la Forêt Neuve
Chasse à courre au château de la Forêt Neuve.
Équipage de Rogatien Levêque près de la croix du calvaire de La Gacilly.
Auguste et Robert de Foucher ont été maîtres d'équipage du rallye Forêt Neuve entre 1855 et 1932 avec un équipage de trente “poitevins“ pour chasser le loup. Transformé en 1889 par Robert en une meute de bâtards anglo-saintongeois pour le sanglier.
Certificats de destruction de loups dans la forêt de La Gacilly et à Mabio. (les deux oreilles et la patte antérieure droite du loup sont coupées et sont ensuite enfouies).
Louvetier et quelques accessoires de piégeage