Cet incendie a fait l’objet d’un procès-verbal le 8 février dont Joseph-Marie Grinsart, sieur de la Salle, sénéchal du comté de Rieux à Peillac a été le rapporteur et ayant pour adjoint maître Mathurin Daniel Notaire pour le greffe.
Plusieurs paroissiens de Glénac ont ce 3 février été les témoins directs de cet évènement et auraient pu dire “j’y étais“ : Pierre Mérot, tisserand, qui rassemble 25 à 30 hommes pour engager les “brigands“ à ne pas mettre le feu au château ; Pierre Gautier cultivateur à la métairie des Taillis qui voit passer les “chauffards“ devant sa maison ; Jacques Marchand de la métairie des Noës, qui court prévenir le sénéchal Grinsart, Mr Clémenceau et quelques autres notables ; Mathurin Marchand du village du Busson ; Pierre Caillet des Fougerêts, garde-gruyer de la comtesse de Rieux.
Un personnage important était là aussi : Augustin Pierre Joyaut de Couesnongle, le fermier général du comté de Rieux, qui demeurait à la Forêt Neuve et qui était chargé de la garde des archives du même comté. À la requête de Joyaut, le sénéchal Grinsart nomme trois experts pour enquêter sur ces évènements : Guillaume Hercelin, Léon Marquer et Joseph Morin.
Le château de la Forêt-Neuve possédait des archives très riches, où se trouvaient sans doute, à côté des titres de Rieux-à-Peillac, tous ceux de Rieux-à-Rieux, Rieux-à-Fégréac, et peut-être ceux de Rochefort, qui ont disparu (à moins que ces derniers n’aient été brûlés par les chouans en 1793 : note personnelle). Ces titres intéressaient les sires de Rieux et en outre les seigneurs secondaires, leurs vassaux au pays de Redon, les cultivateurs et petits propriétaires des environs de la Martinière.
Au moment de la Révolution, Julien-Alexis Joyaut de Couesnongle occupait, à la Forêt-Neuve, les fonctions de général du Comté de Rieux à Peillac où, pour employer l’expression actuelle, il en était l’administrateur.
A maintes reprises, on lui avait annoncé la visite prochaine des brigands. Son premier projet fut d’armer les voisins et déjà il avait commencé de le mettre à exécution. Il s’en ouvrit à la municipalité de Carentoir, de Redon, à quelques seigneurs du voisinage. N’ayant pas reçu de réponse satisfaisante, et voyant qu’il serait mal défendu par des paysans non aguerris, ... que les brigands n’avaient incendié que les châteaux où ils avaient trouvé de la résistance, il avait renvoyé les hommes
d’abord armés.
Le 30 janvier, il apprenait que les “chauffeurs“ se trouvait tout à côté, à Sixt, et que leur intention était de se présenter le soir même à la Forêt-Neuve, pour y opérer une visite domiciliaire. Mais les incendiaires comptaient sans la force armée. Les
soldats les attaquèrent à Sixt, le lendemain, vers huit heures du soir, en fusillèrent un certain nombre et en emmenèrent d’autres en prison, à Redon, à Lohéac ou à Guichen (leur pays d’origine sans doute).
Cet incident n’arrêta pas les malfaiteurs. Le 3février, Joyaut avait prié Pierre Mérot, du village de Launay en Glénac, de porter une lettre à la poste de Carentoir. Là-bas, celui-ci se rencontra avec une troupe d’hommes armés, qui traversaient la bourgade, se dirigeant sur la Forêt-Neuve. Ils portaient des fusils, des pistolets, et autres armes offensives, haches, fourches, etc. Aussitôt Mérot revint à la hâte prévenir Joyaut de ce qui se préparait. Toute tentative de résistance était inutile. Du moins le fermier général voulut prendre les moyens de mettre sa responsabilité à couvert et d’empêcher, autant que possible, l’incendie du château. Il invita Mérot à rassembler les voisins pour “être témoins et engager les brigands à ne pas mettre le feu au château et à ne pas maltraiter les habitants du même château“. Vingt-cinq à trente hommes de Glénac et des Fougerêts répondirent à son appel. Un autre, Jacques Marchand, des Noës, courut à la Gacilly, “prévenir le sénéchal Grinsard, Mr Clémenceau et autres notables de ce qui se passait“.
Pendant ce temps-là les brigands approchaient. Pierre Gautier, des Taillis, les vit passer auprès de sa maison. Vers 2 heures on les vit entrer dans l’avenue principale du château. Ils étaient au nombre de 130. Joyaut s’avança à leur rencontre, seul et sans armes. Ils lui déclarèrent que leur intention était seulement de brûler les archives. Si on les leur livrait immédiatement, il ne serait fait aucun mal à la maison ni à ses habitants. L’autre ne pouvait qu’obtempérer à leurs exigences. Huit
hommes armés pénétrèrent dans le château, et deux sentinelles furent placés à la porte, pour en défendre l’entrée à tous les
autres. Les huit délégués montèrent aux archives. Tous les titres furent saisis et jetés pêle-mêle par la fenêtre. Ceux qui étaient restés au dehors s’en emparèrent, les amoncelèrent dans un coin de la cour (à l’est de l’entrée actuelle) et y mirent le feu. On ne dit pas que des rondes aient été organisées autour du brasier, comme cela eu lieu ailleurs ; mais nous savons que Joyaut fit distribuer du cidre à discrétion. Les témoins ne pouvaient omettre ce détail. (déposition de Mérot et de Mathurin
Marchand, des Rues Gillet). L’incendie dura trois heures et demie. A 5 heures et demie, tout était terminé : les archives de Rieux n’existaient plus.
Quels étaient les incendiaires ? D’où venaient- ils ? Les procès-verbaux négligèrent de le noter. À la requête de Mr Joyaut de Couesnongle, présentée par Me Guillaume Burban, de la Ville-es-Carts, son procureur, Me Joseph-Marie Grinsard de la Salle, sénéchal de Rieux-à-Peillac, nomma trois experts pour enquêter sur ces évènements : Guillaume Hercelin, Léon Marquer et Joseph Morin. Puis, Me Grinsard vint lui-même, assisté de Me Jean-François-Noël Briend, procureur fiscal de la dite juridiction
et de Me Daniel notaire, faire un procès-verbal de constat. En outre des cinq témoins signalés ci-dessus, il interrogea Pierre Gaillet, du Guay, âgé d’environ 65 ans, garde gruyer de la seigneurie de Rieux.
Toute cette procédure fut très rapide et ne conduisit d’ailleurs à aucun résultat. A cette époque, les évènements se précipitaient trop rapidement pour qu’on eut le temps de s’y arrêter. Bientôt Grinsard devenu lui-`même l’un des plus fameux révolutionnaires de la Gacilly, dut considérer cet incident comme négligeable. Les témoins n’oublièrent pas. Trois mois plus tard, ils renouvelaient, à Rochefort-en-Terre, la scène de la Forêt-Neuve ; mais, cette fois, c’étaient les archives de la Révolution que l’on livrait aux flammes. Surtout il y avait là un enfant de 12 ans à peine, dont ce spectacle orienta peut-être l’avenir. Nous voulons parler d’Aimé-Alexis-Augustin Joyaut de Couesnongle, le fils du fermier général, celui que son intrépidité chevaleresque et son dévouement à la cause royale firent dénommer, dans la suite, Joyaut d’Assas. De très bonne heure, il conçut une haine profonde pour tout ce qui tenait à la Révolution. Fidèle lieutenant de Georges Cadoudal, il fut compromis dans la conspiration de l’an VIII. Il se livra lui-même pour ne pas trahir ceux qui le cachaient, et porta sa tête sur l’échafaud sans laisser paraître la moindre émotion. Là sans doute était François Caillet, le fils du garde et le futur lieutenant du Canton, avec plusieurs de ceux que nous retrouverons au nombre des chouans. Cette leçon de choses commença à leur ouvrir les yeux sur le caractère du régime qui commençait.
Plaque de la crosse du fusil d'honneur qui fut remis sous la Restauration par Louis XVIII
à François Caillet pour services rendus pendant la Chouannerie.
5 témoins directs des évènements liés à l’incendie du chartrier du château de la Forêt-Neuve.
Ils habitaient les village de Launay, le Busson, les Noës, les Taillis.
Pierre Caillet
Né en 1725 à Plouguenast dans les Côtes-du-Nord. Marié aux Fougerêts le 13 juin 1759 à Mathurine Louise Marie Guillemette Danay (Danet). Il demeure à Saint-Jacob. Garde-gruyer de la comtesse de Rieux. Leur 3e fils François Caillet né en 1773, sera nommé par la Nation, garde provisoire de la Forêt Neuve. C'est lui qui recevra le fusil d'honneur.
Jacques Marchand
né le 6 février 1766 demeurant à la métairie ds Noës. Marié à Glénac le 16 octobre 1787 à Marie Gautier (née après 1762).
Meurt le 15 avril 1840 à Glénac, âgé de 74 ans. (C’est lui qui court à La Gacilly prévenir le sénéchal Grinsart, Mr. Clémenceau et autres notables. Il a 27 ans en 1793. (il est fils de Jacques Marchand et de Françoise Haugomat).
Mathurin Marchand
né le 17 mars 1755 (fils de François Marchand et de Marie Royer)
Marié à Glénac le 21 novembre 1775 à Marie Boudard née le 15 janvier 1756. Leur fille Marie Marchand est née le 30 décembre 1779 aux Rues Gilet. Le père de marie Boudard est mon ascendant (sosa 352) Mathurin Marchand âgé de 35 ans lors de ces incidents, était laboureur et demeurait le village du Busson.
Aujourd’hui cinquième avril mil sept cent quatre vingt neuf l’assemblée convoquée au son de la cloche en la manière accoutumée ont comparu au lieu ordinaire des délibérations de la paroisse de Glénac évêché de Vannes par devant nous...
(préambule du cahier de doléance de la paroisse de Glénac le 5 avril 1789, présenté le 25 mars au sénéchal de Ploërmel).
La paroisse comporte alors environ 200 feux. 49 paroissiens (dont Mathurin Marchand) comparaissent, élaborent et signent
le cahier de doléances (16 signatures) dont :
17 - Hoëo (Pierre Marie Cyprien de la Vallière) sénéchal des marquisats de la Bourdonnaye et de Sourdéac, avocat en parlement, juge au tribunal près le district de Rochefort
18 - Joyaut (Augustin Pierre ) fermier général du comté de rieux, négociant
19 - Poitou (joseph) noble homme
Pierre Mérot
tisserand, domicilié des Fougerêts à son mariage. Marié à Marguerite Macé le 30 juillet 1776 et domicilié à Launay.
(Un fils, Pierre né le 8 juin 1777 à la Boudeveillais) Joyaut de Couesnongle lui donne une lettre qu’il porte à Carentoir où il rencontre une troupe qui traversait le bourg et se dirigeait vers la Forêt-Neuve. Revenu à Glénac, il prévient et rassemble des voisins 25 à 30 hommes pour engager les brigands à ne pas mettre le feu au château.
Pierre Gautier
né le 24 février 1751 aux Taillis. Marié le 22 octobre 1782 à Louise Sevestre. il a 42 ans en 1793, lorsqu’il voit les “chauffards“ passer devant sa maison des Taillis.
Détails du fusil d'honneur
Château de la Forêt Neuve et la cour où furent incendiées les archives.
Le château et la cour n° 100 sur le cadastre de 1824.